vendredi 7 novembre 2008

Togo : le retour des brebis perdues ?

Rodrigue KPOGLI
http://lajuda.blogspot.com/

Le Togo a changé. Illusion !
Et positivement. Supercherie illusoire encore !

Des Togolais renvoyés en exil par feu Eyadèma Gnassingbe, sont en train de regagner le bercail. Certains, définitivement. D’autres, par intermittence. Dans tous les cas, ces retours sont annoncés urbi et orbi via la presse. Et en clamant ainsi leur retour, ces « voyageurs » prouvent l’existence d’un Togo périlleux et dangereux pour les opposants. Ils se donnent donc une image d’hommes courageux, bravant la peur et l’insécurité en comptant sur la protection de l’opinion préalablement ameutée.

L’objectif – semble-t-il - de ces annonces tambour battant, est de se donner des garanties sécuritaires en alertant la communauté nationale et les observateurs étrangers. Une façon de rentrer au Togo sous le regard des uns et des autres en vue de dissuader le pouvoir en place et ses milices de tenter quoi que ce soit contre le nouvel arrivant.

Cette démarche astucieuse contre le régime togolais tartuffe par essence, est tout à fait compréhensible. Cependant, il faut affirmer que les « rentrants » rendent service au régime de Faure Gnassingbé « à l’insu de leur plein gré », quoi que, les véritables motifs des rentrants ne sont pas toujours transparents, mais ça c’est un autre débat. Comment justifier que le Togo demeure une dictature, ne garantissant aucune sécurité aux « opposants exilés » depuis une vingtaine d’années voire plus, et y retourner ? Rentrer au Togo, la peur au ventre d’être arrêté, kidnappé ou assassiné et y sortir sans égratignures, c’est au crédit du pouvoir en place. Croyant exposer le pouvoir, c’est plutôt l’effet contraire qui se produit, car si les ces exilés politiques peuvent retourner au Togo, aux yeux du monde, c’est que quelque chose a changé en bien. Ainsi, ces publicités gratuites claironnant ces retours sont au profit du clan Gnassingbe. Il est d’ailleurs remarquable qu’aucun des voyageurs ne mentionne des ennuis avec le pouvoir. Sauf, Eloi Koussawo qui a jugé utile de raconter ses aventures. Mais Koussawo a été complètement désavoué. Sur la toile, il a été lynché et qualifié de menteur. C’est peu dire que personne n’a cru à son histoire. Et cela, c’est au bénéfice du régime togolais.

De deux choses l’une, ou alors le Togo est une tyrannie où la peur et la répression élisent domicile. Et dans ce cas, revoir la terre natale est impossible, pour le moins provisoirement, aux exilés voulant y aller officiellement. Ou alors, le Togo a changé et est devenu une démocratie où chaque citoyen a le droit d’aller et de venir à son gré. Et dans ce cas, tout Togolais vivant à l’étranger ou non, peut entrer et sortir sans crainte et sans annonce.

En annonçant leur retour dans les media et en faisant le mouvement aller-retour, ces Togolais donnent au pouvoir un visage humain, et font de lui une démocratie qui n’attente plus à l’intégrité physique de ses opposants, et qui garantit la sécurité à tout Togolais. Ce qui en réalité est faux, si on se réfère au tout récent assassinat d’Atsutsè Kokouvi Agbobli.

Gilchrist Olympio, pourchassé pendant longtemps par le clan Gnassingbe est probablement celui qui a ouvert le bal des retours. Olympio est rentré au Togo depuis un an déjà. Ce qui fait dire à certaines personnes que le Togo a changé et que le fils n’agit pas comme son père. Les raisons du retour d’Olympio ne sont pas simplement le retour de l’enfant au pays, et sa position politique aujourd’hui mériterait d’être débattue, mais ce n’est pas notre préoccupation ici.

S’il est tout à fait exact que la lutte pour la démocratie au Togo, se déroule sur la terre togolaise aux côtés du peuple, il n’en demeure pas moins vrai que les retours dans les conditions actuelles, sont la confirmation de l’échec du combat démocratique. Car, après avoir osé la lutte, ces Togolais finissent par se rendre compte d’une évidence : celle de la réalité faite d’impuissance. Quand la chasse n’a pas été bonne, les chasseurs rentrent bredouille au bercail.

Ces démocrates, regagnent un pays sous une dictature bien plus féroce mais plus subtile qu’avant leur départ du Togo. A leur arrivée, ils verront un Togo dévasté. Un Togo, étranglé où la population rumine sa colère. Un Togo, en apparence libre, mais en réalité fermé et étroitement surveillé. Ils verront des médias (journaux écrits, radios et télévisions) en apparence ouverts et critiques alors que peu le sont vraiment. Ils verront des patrimoines publics abandonnés et un réseau routier en déliquescence avancée. Ils verront le tissu social en lambeaux. Ils trouveront un système médical complètement inexistant. Ils verront des Togolais plus misérables qu’avant. Ils verront une jeunesse laissée-pour-compte et qui vit de la débrouillardise. Ils verront l’insouciance des soi-disant dirigeants et mesureront le degré de leur criminalité. Ils verront que nos cimetières sont immenses et ne cessent de grandir. Alors, se rendront-ils compte de l’immensité de la tâche qui attend les Togolais. Ils s’apercevront que nos objectifs ne sont pas atteints et que la fin de la lutte est plus éloignée que le début. Ils s’apercevront que c’est le retour à la case départ et que leur histoire ressemble à quelques exceptions près, à celle du crabe qui est retourné dans la boue après avoir entretenu l’illusion d’une propreté définitive dans l’eau.

Cyniquement, pour le régime tyrannique togolais, ces retours sont du pain béni. Dans la perspective électorale de 2010, quelle bonne image que baby Gnassingbe se forge en laissant rentrer au Togo, ces opposants qu’Eyadema Gnassingbe n’a jamais voulu voir ! Le clan Gnassingbe utilisera ces retours comme des trophées de réconciliation et du changement durable. Car, sous Gnassingbe-père, il n’a pas été possible à ces exilés, de s’approcher de la terre natale. Ainsi, la victoire frauduleuse qui se profile une nouvelle fois à l’horizon 2010, sera justifiée par l’argument selon lequel le vote en faveur de Faure Gnassingbe est l’adhésion du peuple togolais à sa politique d’apaisement, de réconciliation et de changement. Laquelle politique aurait permis à des Togolais exilés de retrouver la terre natale. Le retour des vampires bailleurs de fonds sera aussi allégué.

On aura beau contredire cette version de l’histoire. Elle présente, cependant, une certaine logique argumentaire, aux yeux des observateurs étrangers ignorant les réalités locales. Déjà en octobre 2007, lors des législatives, le Rassemblement du Peuple Togolais au pouvoir depuis un demi-siècle bientôt, a expliqué sa victoire volée par l’adhésion des Togolais à la politique d’apaisement et de réconciliation de Faure Gnassingbe et avait mis en avant la présence de Gilchrist Olympio au Togo, comme preuve palpable du changement.

En définitive, ces Togolais veulent se présenter comme des hommes courageux, bravant la peur, l’insécurité et la brutalité d’un pouvoir sanguinaire. C’est perdu ! Ils sont d’ores et déjà, dans les mains du clan au pouvoir, des trophées de la réconciliation et du changement à brandir au bon moment, avec le credo que ce que le père n’a jamais voulu faire, le fils l’a réalisé. Cela fera partie des justifications qui nous seront sorties en 2010. Cela nous fera bondir, mais hélas ! Nous aurons du mal à convaincre. Puisque dans une logique purement stratégique, nous aurons perdu en étant incohérent dans nos analyses et démarches.

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