vendredi 21 octobre 2005

Interview de Rodrigue KPOGLI de la J.U.D.A dans le Journal Arcanes N°16


«… le problème togolais ne se pose pas en terme de présentation de programme de gouvernement … »

M. Edem Kodjo a été désigné par Faure Gnassingbé pour prendre la tête de son gouvernement. C’est dans la surprise générale que ce coup de théâtre a permis au premier ministre de resurgir sur la scène politique dans une illégitimité criarde. Le samedi dernier, M. Edem Kodjo a présenté son programme de gouvernement à l’Assemblée monocolore qui l’a investi. Le leader de la CPP peut-il trouver une solution à la crise togolaise marquée par des dissensions réelles entre les acteurs politiques. Quelles garanties M. Kodjo a-t-il pour s’engager dans ce programme aussi mirobolant ?

Nous avons demandé l’avis de M. Rodrigue KPOGLI, le Secrétaire Général de la Jeunesse Unie pour le Démocratie en Afrique (J.U.D.A).Il analyse la situation actuelle et donne sa vision du Togo d’aujourd’hui.

La Rédaction.


ARCANES : La situation socio-politique togolaise a évolué avec la nomination d’un premier ministre en la personne de M. Edem Kodjo qui, après la formation de son équipe gouvernementale, vient d’obtenir le feu vert de l’Assemblée Nationale à l’issue de la présentation de son programme. Qu’inspire à la J.U.D.A. tout ceci et quelle analyse faites-vous de ce programme ?


Rodrigue KPOGLI : Nous disons tout simplement que c’est choquant, ce qui se passe au Togo. D’abord des élections truquées ont été organisées pour que Faure GNANSSINGBE, le fils de défunt Eyadéma, soit au palais présidentiel sans aucune onction populaire.

Ensuite, à la recherche d’un brevet de légitimité, le plus mauvais choix a été opéré malheureusement car la facture présentée par l’Opposition s’était révélée lourde ; absence de volonté politique du clan aidant. Mais, il faut le dire, le schéma Faure – Kodjo était connu depuis. Malgré cela, on a fait semblant de dialoguer. Pour une fois encore la primauté est accordée aux apparences.

Donc actuellement le Togo semble-t-il, est dirigé par un président illégitime, imposé par la force brute et un premier ministre conscient de son impopularité absolue qui visiblement ne pourront réaliser le rapprochement entre les fils et les filles de ce pays déchiré.

Pour nous, l’équipe Kodjo n’est pas sérieuse. Déjà Kodjo lui-même en tant que premier ministre nommé, pose la question de la crédibilité des intellectuels africains qui, au lieu de jouer leur rôle dans le façonnage idéologique de l’institution politique se compromettent lourdement en acceptant de servir loyalement ce que la plus élémentaire des logiques aurait rejeté. L’équipe gouvernementale qu’on tente vainement de qualifier d’union nationale ne contient que des résistants à l’image de Maurice Papon. C’est une équipe de carriéristes. La nomination du frère cadet de Faure Gnassingbé, à la défense nationale et bien d’autres nominations ne répondent qu’aux exigences du clan.

ARCANES : votre analyse du programme de gouvernement de Kodjo?

Rodrigue KPOGLI : Ecoutez ! Ce programme n’est rien d’autre qu’une liste de vœux pieux. Beaucoup le qualifient, y compris dans son camp, de programme de société et non de gouvernement avec des priorités bien définies.

Vous savez, tout ce que Kodjo énonce dans son présumé programme n’est pas fondamentalement faux d’autant plus que la réconciliation, l’édification d’un Etat de droit, le redressement économique, la remise sur pied d’un système de santé et d’éducation viable, … bref la « re-fondation » du Togo est une nécessité voire une urgence pour que les peuples quittent la civière. Mais le problème togolais ne se pose pas en terme de présentation de programme de gouvernement. Et cela même les paysans illettrés le savent pour que sorbonnard Kodjo l’ignore. La question est d’abord celle de la légitimité de ceux qui agissent ou prétendent agir au nom du peuple. En conséquence, les vœux de Kodjo et de Faure Gnassingbé, ne pourront se réaliser, car ce couple impopulaire ne pourra réunir les Togolais.

La réconciliation annoncée passe d’abord par l’acceptation de la défaite de Faure Gnassingbé qui se met à la disposition de la justice avec tous ses complices. Elle passe aussi par la mise à la disposition de la justice des miliciens et autres éléments des FAT(Forces Armées Togolaises) qui ont tué, violé, blessé, cassé et volé lors de la répression à la suite de la proclamation des résultats officiels du scrutin présidentiel contesté du 24 avril dernier.

Nous pensons que résoudre la question des réfugiés togolais revient à dire, avant tout, au président ghanéen John Kufuor de reconnaître enfin les togolais sur son territoire depuis le 24 avril comme des hommes tout simplement car lui dire de les reconnaître comme réfugiés, c’est peut- être trop lui demander. Ensuite, il faut créer les conditions de sécurité propices au retour des réfugiés.

Pour la J.U.D.A, il est inacceptable que nos frères et sœurs soient en esclavage au Ghana défrichant des hectares contre quelques billets de cedis [unité monétaire du Ghana, ndlr], ou qu’ils soient à la merci de la nature et meurent de faim.


De notre point de vue, la place des droits de l’homme est tellement réduite dans ce flot de vœux. L’Etat se contentera de « promouvoir les libertés démocratiques » alors que le Togo est mondialement connu pour son hostilité à l’égard des droits humains. Le travail à faire ne doit pas se résumer en la simple promotion mais plutôt à la protection qui détruira l’imposante statue d’impunité érigée au Togo depuis 1963.

Somme toute, programme ou pas, Kodjo, en acceptant de servir de béquille à un système producteur de pièces détachées de la démocratie, approfondit la crise politique du Togo. Il en sera comptable devant l’histoire car il avait toutes les facultés intellectuelles pour le refuser.



Propos recueillis par Didier Ledoux

Aucun commentaire: